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Le sabre de bambou




Pouvons-nous révéler nos faiblesses et nos doutes à notre entourage professionnel ?

La lecture de la nouvelle “The Bamboo sword and other samurai tales” de Shuhei Fujisawa m’amena à me poser cette question.


Dans cette nouvelle japonaise, Tanjuro Ogura était un très modeste samouraï riche de son art du sabre et de sa famille qui le suivait dans ses pérégrinations de ronin (statut du samourai sans maître à servir).

N’ayant que son talent d’escrimeur à louer dans ce Japon du XVIIème siècle, la compétition était rude pour trouver une place auprès d’un seigneur qui lui assurerait le gîte, le couvert et quelques émoluments. En d’autres termes il se trouvait en période de recherche d’emploi depuis suffisamment longtemps pour crier famine.

Un jour, à la demande d’un seigneur local, employeur potentiel, il fut un amené à affronter dans un duel à mort un certain Yogo Zenemon. La victoire lui garantirait à coup sûr l’obtention d’un poste au sein de la garde du maître des lieux.

Venu à sa rencontre pour l’ultime combat, Tanjuro devina que son adversaire était sur le point de s’enfuir, de changer de vie, fatigué disait-il de sa condition de samouraï.

Notre héros était une bonne nature, dont la noblesse d’âme passerait aujourd’hui pour une naïveté déplacée. La conversation s’engagea entre les deux hommes sur les motivations de Yogo et glissa sur l’évocation des aléas de leur pauvre condition de bretteur itinérant. L’atmosphère se détendit et Tanjuro se laissa aller à avouer qu’il venait de connaître de telles difficultés financières qu’il en avait été réduit à vendre son sabre (dernière chose à faire dans ce monde de guerriers de l’époque). Entendant cela, Yogo entrevit l’avantage qu’il pouvait tirer de cette information, bondit sur ces jambes et attaqua Tanjuro. Mal lui en pris car ce dernier était suffisamment talentueux pour lui percer le vendre même avec un morceau de bambou. La mort de Yogo permit l’embauche de Tanjuro.



La morale de cette histoire est qu’ici comme ailleurs, il faut ne jamais baisser la garde lorsque vous êtes en compétition dans votre environnement professionnel.

Les conversations amicales avec vos collègues ne doivent pas faire illusion. Elles peuvent être des opportunités pour vous soutirer des informations qui seront sans coup férir, utilisées contre vous pour une raison ou une autre. Il y a rarement de place pour les belles âmes et la noblesse de cœur dans le monde de l’entreprise. A quelques exceptions prêt bien sûr. Comme l’affirmait une publicité pour les ordinateurs Commodore dans les années 80, « On ne gagne pas une guerre avec de bons sentiments ».

Il existe bien sûr des entreprises où il fait bon vivre, où l’on peut rencontrer de l’empathie et de la bienveillance au sein de votre hiérarchie. Cependant, à mon avis, même dans un tel environnement il faut savoir demeurer vigilant et ne pas se répandre en confidences trop personnelles.


Jacques Guillou


*“The Bamboo sword and other samurai tales” de Shuhei Fujisawa (Kodansha International1988)

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