Il faisait chaud cet après-midi-là en plein soleil. De notre logement au poulailler il y avait trente mètres d’un chemin bétonné. J’accompagnais ma mère dans sa collecte des œufs. Quoi de plus fascinant qu’un œuf pour un enfant de 4 ans. J’insistais pour en porter un dans le creux de mes mains sur le chemin du retour. Ma mère accepta mais en évoquant fortement le risque de l’accident “tu vas le casser ça c’est sûr”. Quelques pas plus tard la prophétie se réalisait. La catastrophe s’étalait en deux couleurs sur le gris du béton. Inutile de dit dire que je me faisais tancer vertement pour cette maladresse. Dans cet ancien monde les parents croyaient beaucoup à la pédagogie du martinet.
Plus tard, régulièrement c’était “mais qu’est-ce qu’on va faire de toi”. Et plus tard c’est même à l’âge adulte que l’on me serinait cette antienne.
“Les bâtons et les pierres peuvent briser vos os, mais les mots peuvent briser votre cœur” disait Hobbes.
C’est le cœur brisé que je faisais mes premiers pas dans l’existence en réalisant que l’être qui était supposé me soutenir inconditionnellement se révélait défaillant.
Cette histoire raconte la difficulté pour beaucoup de parents de donner à leurs enfants, l’indispensable confiance en soi.
"On ne nait pas confiant on le devient. La confiance en soi est une conquête, patiente, difficile"*
Certains d’entre nous ne se remettent jamais de ce genre de traitement et traineront pendant toute leur existence cette faille qui les mine au moment des décisions importantes. Il y a des mots qui blessent …pour toujours.
Ces parents ne comprennent pas qu’il faut accepter la faute, l’erreur, comme étape essentielle dans l’apprentissage de la vie. Que ces moments sont l’occasion de manifester son amour et non sa défiance. Il est dit qu’on ne peut donner que ce que l’on a reçu, que nous portons en nous un scenario (Merci Dr Berne**) acquis dans la prime enfance (0 et 7 ans) dont il est difficile de se débarrasser des effets négatifs une fois adulte.
En ce qui me concerne, c’est avec la paternité que j’ai réalisé ce que je portais, malgré moi, quelques comportements toxiques. Ces colères qui ne pouvaient être moi tant elles heurtaient ma tendresse pour mon fils. Ces “sure-réactions” pour des sujets somme toute mineurs. Une sorte de syndrome “Dr Jekyll & M. Hide” que nous avons tous plus ou moins quand nous avons été mal traités par nos parents.
Nous avons donc une double tâche : veiller à ne pas blesser nos enfants par des propos définitifs et dépasser nos propres traumas afin d’acquérir cette confiance en soi indispensable à l’épanouissement de notre existence…et à celle des autres.
Jacques Guillou
*La confiance en soi-Une philosophie" Charles Pépin (Allary Edition-2018)
**Que dites-vous après avoir dit bonjour?” Dr Eric Berne (Editeur Chou-1981)
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